1'000 km à pied
J’ai ainsi débuté la traversée le 10 mai pour réaliser quelques 1'200 km, soit une moyenne de 25-30 km par jour.
Pourquoi ce projet?
Suite à un périple similaire l'été dernier depuis le sud de la France jusqu'à la maison où j'ai commencé à prendre l'habitude de toquer chaque soir pour demander l'hébergement et échanger quelques histoires. Ça a été une aventure très riche et j’ai fait des rencontres très touchantes. Cette année, entre deux projets professionnels, voyant que j’avais quelques semaines de libres, j’ai eu envie de retenter l’aventure dans une autre région, en partant cette fois-ci des Pyrénées.
Pourquoi marcher en faveur de Caritas-Montagnards?
Je viens d’un milieu agricole, mes grands-parents avaient quelques parcelles d’abricotiers et je les ai souvent aidé durant les vacances estivales. J’ai également effectué un séjour de 2 semaines dans une ferme en Suisse-allemande à mes 15 ans avec l’organisation Agriviva pour réaliser que le monde de la paysannerie était un milieu peu évident avec notamment des horaires difficiles. Je souhaitais par cette marche soutenir des gens de la terre et de ma région.
J’ai partagé mon projet sur mes réseaux et auprès de ma famille/anciens collègues et auprès des personnes rencontrées en chemin à travers la France. Si au moins j’ai pu sensibiliser quelques uns, c'est déjà ça.
Que retiens-tu de cette expérience?
J’ai vécu une expérience assez incroyable. Même routine chaque matin mais les paysages changent, les rencontres sont à chaque fois uniques, j’évolue avec les accents des régions. Il n’y a pas qu’une seule vérité. Je prends conscience qu’on est tous dans le même bateau, peu importe le bord politique, le statut social, la profession. Tout devient plus nuancé finalement et partout on peut trouver de bonnes personnes, ouvertes, accueillantes, et qu’on peut faire confiance à tous types de personnes.
J’ai la chance d’avoir le contact facile et je me suis intéressé à ces gens, à leurs histoires et à leur culture. Lorsque j’explique mon projet et que les gens m’ouvrent leur porte, c’est le début d’une belle rencontre. Bien entendu, j’ai essuyé des refus, j’ai parfois dû frapper à une vingtaine de portes avant de trouver un hébergement. Mais ces refus ou les quelques mésaventures vécues au cours de mes journées, les pieds mouillés par exemple ou la menace de certains chiens sauvages, ont vite été oubliés et mille fois compensés par le reste.
J’ai rencontré des personnes seules, des familles, avec un ou de nombreux enfants, aux croyances diverses, de tous partis politiques. Un jour j’étais chez une famille anti-chasse qui m’expliquait les raisons d’interdire la chasse, le lendemain un chasseur m’accueillait en m’expliquant l’inverse. Des personnes catholiques, protestantes, musulmanes, athées. Des familles qui se disent ouvertes mais n’osent pas ouvrir, d’autres qui se prétendent fermées et qui m’accueillent. Des gens touchés par ma venue, me remerciant de m’être arrêté chez eux.
J’ai été touché par l’authenticité des rencontres. Ce monsieur qui me dit qu’il a perdu sa femme il y a 6 mois dans un accident de voiture où il était présent, et que ça lui fait du bien d’en parler. Cette famille nombreuse qui vient de perdre le 12ème enfant mais qui, malgré la douleur, est sereine en sachant qu’il a pu être baptisé. J’ai été sensible aussi aux personnes mal à l’aise de ne pas pouvoir m’héberger mais qui souhaitaient à tout prix m’aider.
Moi qui aime en général planifier, je me suis laissé porter par les conseils des gens rencontrés et par l’intuition. Je ne planifiais rien, vivant au jour le jour, ne sachant pas le matin où je dormirai le soir. Souvent, les choses se déroulaient encore d’une manière bien différente de celle que j’aurais pu imaginer. Mais il fallait se dire que c’était dans les plans et la vie m’à quotidiennement fait des clins d’œil.
© Vlad Fournier
«J’ai rencontré des personnes seules, des familles, avec un ou de nombreux enfants, aux croyances diverses, de tous partis politiques.»
Vlad Fournier
Et concrètement?
Selon la météo, le jour (le samedi il est plus difficile de trouver des personnes disponibles) et mon état de fatigue je regardais sur la carte les villages à proximité en fin d’après-midi et commençais à frapper aux portes dès 18h environ. Je demandais juste une douche, un toit, où poser mon matelas de sol. Finalement, pratiquement tout le monde m’a proposé un vrai lit et un repas. L’occasion aussi de découvrir de nombreuses spécialités locales! Sans oublier les histoires et anecdotes que peuvent se dire le temps d’un soir une famille ou un villageois à un marcheur valaisan.
A ceux qui ne pouvaient pas ou ne souhaitaient pas m’accueillir, je disais en souriant, «pas de soucis, ne vous inquiétez pas, je trouverai bien un endroit où passer la nuit, j’ai eu de la chance jusqu’à maintenant, il n’y a pas de raison que ça change». Parfois, leur expliquer plus en détail mon parcours du jour et mon projet du lendemain rassurait.
J’ai dormi dans toutes sortes de logement, même un gîte, une yourte et un château. Une grange m’aurait aussi suffi. Dans ces conditions, il n’y a jamais de «mauvais plan», tout paraît merveilleux. Le luxe c’est la cessation de l’effort. Le sec après la pluie, la douche après la marche, le fromage après la faim.
Des anecdotes à nous partager?
3 anecdotes plus particulièrement que j’ai envie de partager:
- Une famille un soir qui me conseille de passer à Lourdes, étant donné que c’est sur le chemin et qu’il y a le pèlerinage militaire et notamment un défilé de 10'000 militaires européens le lendemain. Je m’y rends et y croise par hasard deux copains du village de mon enfance qui prenaient le même bus pour se rendre à l’école. L’occasion de passer une belle journée avec eux, et même de participer à une partie du défilé militaire avec mes habits de randonneur, entouré de 10'000 soldats!
- Un cycliste me dépasse à vélo sur un chemin perdu de campagne et revient quelques instants plus tard, tout sourire. Il avait reçu une photo de moi, prise il y avait 6 jours à 120 km de là avec ses amis qui avaient eu pour le coup la bonne idée de partager sur un groupe WhatsApp de 10 copains membres une photo qui évoquait la belle rencontre improvisée. Le logement du soir était tout trouvé et je me suis ainsi retrouvé par pur hasard chez une seconde famille grâce à un couplé rencontré 6 jours auparavant.
- Ou encore cette soirée mémorable grâce à un jeune légionnaire, blessé au combat au Mali, qui m’invite à la «fête de la fraise» à laquelle il va se rendre, dans une cabane de chasse au sommet des Gorges dans l’Aveyron. Je renonce tout de même à accompagner le groupe dans les «aubades» du lendemain (tradition où l’on va sonner aux portes pour apporter des bonbons et cigarettes, en échange de quoi les habitants offrent un verre), craignant de ne plus réussir à repartir!
Des conseils?
Oser sortir de sa zone de confort. La vie est dure pour deux raisons, soit parce qu’il faut en sortir de sa zone soit parce que nous y restons. Si j’ai un petit regret, je dirais que c’est celui de n’avoir pas suffisamment pris le temps de contempler, j’avalais les km mais sans toujours prendre le temps d’observer, de ressentir et de vivre pleinement la région, mais omis ce bémols le reste à été comme sur des roulettes.
Photo de couverture: © Vlad Fournier