Dans un projet pilote, Caritas emploie et rémunère les proches aidants

Risque de pauvreté : les femmes assument la majeure partie du travail de soins non rémunéré 

En Suisse quelque 330'000 proches fournissent des soins non rémunérés. Ce travail est extrêmement important pour notre société. Pour les personnes concernées, il représente toutefois un risque de pauvreté, car il s’accompagne d’une perte de revenu et ne permet pas de bénéficier d’une protection sociale. La majeure partie du travail de soins non rémunéré — également appelé travail de care — est effectué par des femmes. Ces dernières se retrouvent donc souvent dans des situations précaires. Dans le cadre d’un projet pilote, Caritas soutient les proches aidants en leur versant un salaire et en leur apportant un soutien professionnel.


Le fait que les soins aux proches puissent conduire à la pauvreté est lié aux risques de pauvreté touchant spécifiquement les femmes. En Suisse, les femmes vivent plus souvent dans la pauvreté que les hommes. Elles gagnent nettement moins qu’eux; en 2016, la différence était de 108 milliards de francs.

Deux causes structurelles expliquent notamment le risque accru de pauvreté des femmes: d’une part, les femmes occupent plus souvent des emplois précaires que les hommes; elles sont deux fois plus nombreuses à gagner un salaire très bas. Elles sont également presque deux fois plus nombreuses à occuper plusieurs emplois en même temps et à n’avoir que des contrats de travail à durée déterminée. Quatre-vingts pour cent de tous les emplois à temps partiel en Suisse sont occupés par des femmes. Et le travail à temps partiel, tout comme les bas salaires, est mal couvert par les assurances sociales (AVS, AI, AC). 

D’autre part, la majeure partie du travail de soins non rémunéré est effectué par des femmes. Bien que de plus en plus de femmes exercent un travail rémunéré, on n’observe pas une redistribution fondamentale du travail de soins non rémunéré. Et ce travail n’est pas suffisamment pris en compte par les assurances sociales et la prévoyance professionnelle. 

La précarité qui s’installe durant la vie active de ces personnes perdure après la retraite. Comme le revenu des femmes est bas et que le travail non rémunéré n’est socialement pas protégé, elles touchent donc souvent une rente AVS plus faible, et n’ont pas de prévoyance professionnelle. Elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à dépendre des prestations complémentaires pour assurer leur subsistance à la retraite.

On atteindra l’égalité quand on aura réévalué le travail

Les femmes contribuent significativement à la prospérité de la Suisse, grâce au travail de soins non rémunéré et à leur forte participation au marché du travail. Mais parallèlement, elles ne sont souvent pas en mesure de couvrir leurs besoins vitaux ou y parviennent à peine. Une politique de l’égalité qui se focalise uniquement sur le marché du travail et la conciliation ne va pas assez loin. Il ne suffit pas que les femmes travaillent plus et rattrapent leur retard économique. Il faut réévaluer et redistribuer le travail dans son ensemble — en particulier le travail de soins.
Il faudrait proposer des modèles d’activité professionnelle qui permettent de mieux concilier emploi et travail de soins, par exemple en réduisant le temps de travail hebdomadaire (tout en maintenant le salaire), en encourageant les hommes à travailler à temps partiel et à effectuer un travail de soins non rémunéré, en développant une protection sociale aussi bien pour le travail rémunéré et le travail non rémunéré et, enfin et surtout, en rémunérant le travail de soins.

Prise en charge des proches, un risque de pauvreté

Les personnes qui ont besoin de soins, par exemple à la suite d’une maladie ou à cause du grand âge, souhaitent généralement rester chez elles le plus longtemps possible. Dans de nombreux cas, ce sont les proches qui assurent leur prise en charge et leurs soins. Souvent, ces proches doivent réduire pour ce faire leur taux d’activité ou changer de travail et voient en conséquence leur revenu baisser. C’est ainsi que les soins non rémunérés prodigués à des proches engendrent un risque de pauvreté.

En 2020, selon l’Office fédéral de la statistique, 600'000 personnes effectuaient en Suisse des travaux de prise en charge de manière informelle. Environ la moitié d’entre elles effectuaient également un travail de soins et plus d’un quart étaient en âge de travailler. En raison du vieillissement de la population, on peut s’attendre à ce que le nombre de personnes ayant besoin de soins et d’assistance ait tendance à augmenter — et donc aussi le nombre de proches aidants.

Caritas lance le projet pilote «Soigner les proches»

La Confédération reconnaît le problème: depuis l’adaptation en 2019 de la loi sur l’assurance maladie (LAMal), il est possible pour les proches soignants de se faire engager par une organisation disposant d’une licence Spitex. Sur le plan juridique, il existe ainsi une base permettant d’atténuer la pression financière qui pèse sur les proches aidants. Mais à l’heure actuelle, seules quelques organisations d’aide et de soins à domicile proposent cette offre sur l’ensemble du territoire. 
C’est là qu’intervient le projet de Caritas «Soigner les proches». C’est Caritas qui emploie et rémunère ces proches aidants. Ils bénéficient d’un accompagnement professionnel, d’un soutien et d’une couverture sociale et sont encouragés à fréquenter des cours de formations continues, ce qui peut leur ouvrir de nouvelles perspectives sur le marché du travail, même à long terme.
Le projet est actuellement dans sa phase pilote, et disponible dans les cantons de Lucerne et de Zoug. D’autres cantons suivront. 

Selon la LAMal, seules les prestations de soins relevant des soins de base sont remboursées. Cela comprend l’aide pour manger et boire, se laver, s’habiller et se déshabiller, faire des exercices de mobilité ou changer de position dans le lit. Ne sont toujours pas rémunérées les prestations de compagnie ou les tâches administratives. Caritas Suisse espère que, non seulement le travail de soins, mais aussi les prestations de compagnie et d’assistance, seront reconnus comme un travail et rémunérés en conséquence.

Écrit par Agnes Jezler

Photo de couverture: © Caritas Schweiz, Alexandra Wey