Encore six ans de misère en perspective
Depuis 2019, Caritas Suisse soutient les Vénézuélien-ne-s réfugié-e-s dans les pays voisins. Un travail encore plus urgent maintenant que le président vénézuélien Nicolás Maduro entame un nouveau mandat. Car il faut s'attendre à une amplification de l’exode et à des perspectives encore plus sombres pour les exilés.
Le président sortant Nicolás Maduro a suscité un tollé et des accusations de fraude en s’arrogeant la victoire aux élections présidentielles du 28 juillet 2024. Ce résultat douche les espoirs de changement d'une grande partie de la population qui subit une crise d'approvisionnement aiguë. Quant aux plus de sept millions de Vénézuélien-ne-s réfugiés à l’étranger, ils vont encore devoir différer leur retour au pays.
Il faut s’attendre à voir s’aggraver encore la plus grande crise des réfugiés au monde. La Colombie accueille 2,5 millions de réfugiés vénézuéliens, le Pérou 1,5 million, l'Équateur et le Brésil un demi-million chacun. Ces pays sont complètement débordés par la prise en charge des nouveaux arrivants qui, dépossédés de tous leurs biens, se trouvent généralement acculés à vivre dans la clandestinité et sans abri.
Conditions de vie précaires et discrimination dans les pays voisins
Yohana Arcaya de Medina ne sait que trop bien ce que cela implique. Cette mère de famille s’est réfugiée à Bogotá en 2018 avec ses deux fils adultes, David et Alejandro. Celui-ci souffre d’un lourd handicap physique et mental. Dans la capitale colombienne, Yohana n’a accès ni au marché de l’emploi, ni au système de santé. Comme beaucoup de migrants, elle tente d’assurer la subsistance de sa famille en travaillant dans le secteur informel comme cuisinière et s’expose ainsi à de gros risques: violence, traite des êtres humains et trafic d’organes. Elle doit se procurer sur le marché noir les médicaments dont Alejandro a un besoin vital et n’y parvient pas toujours, ce qui a déjà provoqué de graves crises, jusqu'à une tentative d'automutilation d'Alejandro. À cela s'ajoute que Yohana, David et Alejandro font les frais d’un ressentiment de plus en plus fort contre les citoyens démunis du pays qui était auparavant le plus riche d'Amérique du Sud.
Le Brésil est le seul pays voisin où les réfugié-e-s ne sont ni indésirables, ni exploités. Et il possède en outre un système de santé qui fonctionne. C’est pourquoi les Vénézuélien-ne-s sont de plus en plus nombreux à y chercher refuge malgré la barrière de la langue. Cet afflux a toutefois précarisé les conditions de vie et créé une dépendance à l’égard de l'aide humanitaire, en particulier dans le nord-est du pays, déjà négligé par le gouvernement.
Sortir pas à pas de l'extrême pauvreté
Avec un projet pilote démarré l'an dernier, Caritas Suisse s’emploie à rendre les réfugié-e-s plus autonomes sur le plan économique. Elle cible les centres urbains, où les répercussions de la crise sont particulièrement graves et visibles, en Colombie et au Brésil. Il s’agit dans un premier temps de stabiliser la situation de ces personnes pour qu’elles trouvent l'énergie de rebondir et, à moyen terme, les moyens d’échapper à la pauvreté: l'aide en espèces couvre leurs besoins de base et le soutien psychologique peut leur donner la force d'aller de l'avant.
Dans un second temps, les premiers ateliers et cours de formations professionnelles contribuent à ce que les migrant-e-s trouvent plus facilement un emploi ou puissent monter eux-mêmes une petite entreprise. L'épargne est activement encouragée. Caritas Suisse aide aussi les participant-e-s à se constituer un solide réseau social qui leur ouvre des portes et qui les soutient. Des coachs proposent aux migrant-e-s un suivi individuel à domicile. Yohana et sa famille ont ainsi la chance de s’intégrer.
Protection et sensibilisation aux risques de la fuite
À l’heure actuelle, des milliers de personnes quittent chaque jour le Venezuela. Et il faut s’attendre à voir leur nombre augmenter encore, car celles qui restent au pays vont devoir affronter un sextennat de plus sans nourriture à des prix abordables, ni système de santé, ni possibilités d'embauche, ni aucune perspective.
En désespoir de cause, les migrant-e-s s’exposent à d’énormes risques. Ils sont d’ores et déjà de plus en plus nombreux à entreprendre le dangereux voyage vers les États-Unis par voie terrestre à travers la jungle du Darien Gap (le bouchon du Darien). En 2023, 520'000 personnes, dont plus de 60 % de Vénézuélien-ne-s, ont traversé cette bande de terre à la frontière entre la Colombie et le Panama. C’est deux fois plus que l’année précédente. Cet itinéraire implique des jours de progression dans des marécages où l'eau atteint parfois un mètre de haut. Des jours à lutter contre l'épuisement, les blessures, mais aussi les attaques et toutes sortes de nuisances.
Dans ce contexte, la deuxième priorité du travail de Caritas au profit des réfugiés vénézuéliens revêt une importance d’autant plus grande: la protection de la population migrante en Colombie, au Brésil, au Pérou et en Bolivie. Des campagnes expliquent les conditions de la migration et les risques encourus par les réfugiés, qui sont aussi informés de leurs droits et de l’accès à des points de contact dans les pays de destination. Caritas Suisse s’engage aussi dans le domaine de la protection des enfants et lutte contre les violences liées au sexe. Les enfants des réfugiés sont ainsi mis à l’abri dans des centres de jour. Enfin, des lacunes humanitaires critiques en matière d’approvisionnement en eau et de sécurité alimentaire sont comblées.
Caritas Suisse reste aux côtés des Vénézuélien-ne-s
L'engagement de Caritas Suisse en faveur des migrant-e-s vénézuéliens remonte à 2019. Il s’appuie sur des années d’expérience dans la coopération internationale en Amérique latine. L’organisation assure aussi une aide humanitaire à la population en détresse au Venezuela même. Car plus que jamais, les Vénézuélien-ne-s ont maintenant besoin d'espoir et de perspectives.
Écrite par Anna Haselbach, responsable de projet Private Fundraising et Communication, Caritas Suisse
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Photo de couverture: Des réfugiés du Venezuela trouvent refuge au Brésil (sur la photo, des réfugiés de 2021). © Caritas Suisse