Lutter contre la malédiction des ressources minières
L’extraction artisanale de l’or a souvent des effets négatifs massifs sur les personnes et l’environnement. En même temps, elle constitue souvent aussi la principale source de revenus pour les populations rurales dans un certain nombre de pays d’Afrique. C’est le cas au Burkina Faso. Caritas y mène un projet qui cherche à améliorer les conditions de travail des orpailleurs et orpailleuses, ainsi que d’enfants qui n’ont d’autre choix que de travailler dans des conditions très difficiles pour contribuer aux revenus de la famille.
L’exploitation minière artisanale et à petite échelle a un impact extrêmement négatif sur les personnes et l’environnement. Mais en même temps, dans de nombreuses régions du continent africain, elle constitue l’une des rares possibilités de revenus pour les populations. Une récente étude de Swissaid (voir encadré), à laquelle Caritas Suisse a participé, appelle à ne pas criminaliser le secteur et surtout les personnes qui travaillent dans les mines, mais à collaborer avec elles, à formaliser le secteur et à créer ainsi des conditions d’extraction et de travail plus sûres.
C’est précisément l’approche que Caritas Suisse suit avec un projet de promotion d’une exploitation aurifère plus responsable, mis en œuvre au Burkina Faso sur mandat de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Au Burkina Faso, les défis de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle se manifestent de manière typique. Ce pays d’Afrique de l’Ouest dispose aussi d’un important secteur industriel de l’or. En même temps, il existe au Burkina Faso près de 800 sites d’extraction où les petits exploitants cherchent de l’or. La plupart d’entre eux ne disposent pas d’une licence d’exploitation minière délivrée par l’État.
On estime que 1,2 million de personnes dépendent des revenus de cette activité. Le secteur de l’or artisanal est donc le secteur économique le plus important dans les zones rurales du Burkina Faso. Cependant, les méthodes d’extraction actuellement utilisées polluent l’environnement, nuisent à la santé des personnes, provoquent des conflits sociaux et violent les droits de l’homme. Les réglementations et lois étatiques existantes sont largement ignorées. L’État burkinabé ne peut donc pratiquement pas prélever d’impôts. Dans le Sahel central, et plus particulièrement au Burkina Faso, il est désormais reconnu que les groupes djihadistes exploitent les vulnérabilités socio-économiques pour renforcer leur emprise sur les populations locales et pour financer leurs activités.
Instabilité et conflits
Comme d’autres pays africains, les autorités du Burkina Faso tentent de formaliser l’exploitation minière artisanale et à petite échelle et d’en limiter ainsi les effets négatifs, sans priver en même temps les populations locales de leurs revenus. C’est là qu’intervient le projet de la DDC et de Caritas Suisse, mis en œuvre depuis 2022 en collaboration avec d’autres ONG ainsi qu’avec les autorités burkinabè. L’objectif est de promouvoir une exploitation plus responsable de l’or dans les mines, afin que les acteurs de la chaîne de production bénéficient de meilleurs services et conditions de travail, contribuent au développement local en payant leurs impôts et s’engagent à réduire les impacts négatifs du secteur.
Depuis plus d’un an, le projet a fait des avancées notables malgré des défis sécuritaires, règlementaires et institutionnels. Il a renforcé la collaboration entre les collectivités territoriales et les acteurs miniers pour une gestion plus transparente des ressources. Près de 1'500 personnes ont été sensibilisées aux pratiques d’extraction respectueuses de l’environnement et des droits humains, favorisant l’adoption de méthodes sans produits chimiques toxiques. Le projet a également structuré les artisans miniers en coopératives et soutient les communes dans l’élaboration de chartes inclusives et la validation d’un système de traitement sans mercure. En parallèle, il promeut les droits humains, notamment ceux des femmes et des enfants, à travers leur autonomisation économique et l’implantation de garderies sur les sites miniers.
Succès obtenus par le projet
Le projet de promotion de l’Orpaillage Responsable de Caritas Suisse se déroule dans un contexte de sécurité de plus en plus précaire, limitant l’accès à plusieurs sites miniers artisanaux.
«Malgré ces défis, nous avons concentré nos efforts sur l’engagement et l’appropriation du projet par toutes les parties prenantes, y compris les collectivités territoriales, les ONG, et les artisans miniers.»Fabrizio De Georgio Ferrari TrecateDirecteur Pays Burkina Faso de Caritas Suisse
Il ajoute: «Bien que la fermeture de certains sites miniers par le gouvernement ait posé des obstacles supplémentaires, l’évolution que nous avons observée jusqu’en ce moment est encourageante. Les acteurs cibles montrent une meilleure compréhension et appropriation des enjeux liés à la gestion responsable de l’or artisanal, en grande partie grâce aux efforts de sensibilisation et de formation. De plus, les collectivités territoriales se montrent plus ouvertes et engagées, impliquant activement les acteurs de la mine artisanale dans les décisions.»
Une nouvelle étude révèle des flux d’or illégitimes
Le secteur de l’or est particulièrement vulnérable aux flux financiers illicites, qui entraînent d’énormes pertes financières pour les pays concernés. Swissaid a publié en mai un nouveau rapport qui retrace en détail ces flux d’or illicites. Caritas Suisse a collaboré aux recherches qui ont débouché sur ce rapport. Lequel conclut qu’en 2022, plus de 435 tonnes d’or ont été sorties d’Afrique en contrebande. Cela correspond à plus d’une tonne d’or par jour. Si l’on prend comme référence le prix de l’or au début du mois de mai 2024, cet or de contrebande avait une valeur de plus de 30 milliards de dollars. Cela représente environ deux tiers de tous les investissements directs effectués par des entreprises étrangères sur le continent africain ou plus d’un tiers de tous les fonds de développement reçus par l’ensemble du continent en 2022.
Auteure: Angela Lindt, responsable du service Politique de développement et du climat, Caritas Suisse
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Photo de couverture: L’Orpaillage Responsable au Burkina Faso © Bénédicte Kinda